Les dysmorphoses maxillo-mandibulaires : origines et classification.

Dr Chardain

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24 avril 2020

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Le développement des mâchoires au cours de la croissance détermine la forme du bas du visage ( «du nez au menton» ) mais également le type d’occlusion dentaire.

En cas d’anomalie de développement d’une ou des deux mâchoires, il peut apparaître une dysmorphose maxillo-mandibulaire, qui associe une modification morphologique du bas visage, et une anomalie de l’occlusion dentaire.

Les origines des dysmorphoses sont multiples. Néanmoins, quelle qu’en soit la cause initiale, les tableaux cliniques sont souvent stéréotypés et permettent une classification simple.

Nous présenterons ici, de façon volontairement simplifiée, les principales causes de dysmorphoses maxillo-mandibulaires, ainsi qu’une classification clinique.

 

Origine des dysmorphoses maxillo-mandibulaires

La croissance des mâchoires dépend de facteurs innés et de facteurs acquis.
Les facteurs innés sont de loin les plus importants et pourvoyeurs de dysmorphoses.

  • Les facteurs innés sont ceux liés à notre « hérédité »

Le développement du squelette facial est en grande partie génétiquement programmé. L’architecture du massif facial de chaque individu est donc inscrite dans ses gènes.

C’est cette composante génétique qui peut déterminer une typologie faciale familiale, et être à l’origine des « airs de famille ». En effet, une même dysmorphose est souvent retrouvée à travers plusieurs générations.

L’exemple « caricatural » de la famille de Habsbourg, prognathes de génération en génération, a été largement utilisé pour illustrer ce phénomène :

 
Charles Quint ; son fils Philippe II ; son petit-fils Philippe IV ; son arrière-petit-fils Charles II.

 

  • Les facteurs acquis sont ceux liés à notre environnement et à nos habitudes.

Ils peuvent « aggraver » ou révéler une dysmorphose sous-jacente, et jusqu’alors compensée. Ils sont presque toujours accessibles à une rééducation. Leur correction est indispensable dans le cadre de la prise en charge. Les plus fréquemment cités sont :

–  Les troubles de la déglutition : une déglutition anormale peut modifier les axes incisifs, générer des béances, voire des inversions d’articulé dentaire avec prognathisme.

– Les troubles de la respiration : le flux aérien participe au développement du maxillaire, et se fait normalement par voie nasale. Une respiration buccale, quelle qu’en soit la cause, peut générer une dysmorphose maxillaire (endognathie notamment)

– Les troubles de la phonation : les anomalies de prononciation (sigmatisme, dyslalies, susseyement…) notamment avec mauvais positionnement lingual peuvent participer au développement d’une dysmorphose

– Les tics de succion : de la lèvre, du pouce, de la langue sont régulièrement incriminés.

 

Classification des dysmorphoses maxillo-mandibulaires

De façon schématique, on peut distinguer :

  • les anomalies visibles essentiellement de profil (anomalies sagittales)
  • les anomalies visibles essentiellement de face (anomalies verticales, asymétries faciales)
  • les anomalies visibles à l’examen endobuccal (endognathies, béances sectorielles…)

En pratique, il co-existe presque toujours chez un même patient des anomalies dans les différentes dimensions (sagittale + verticale, sagittale + transversale, verticale + transversale, voire les trois).

Il est important d’analyser méthodiquement le visage dans les trois dimensions de l’espace ainsi que l’occlusion dentaire pour porter le bon diagnostic. C’est en effet d’un bon diagnostic que découlera un traitement adapté.

Dans un but didactique, on peut distinguer :

  • Anomalies sagittales :

– Classe II squelettique : la mandibule est en retrait. C’est la dysmorphose la plus fréquente. Le menton apparait souvent reculé ou insuffisamment dessiné. Parfois on observe une « encoche » sous la lèvre inférieure. Les incisives supérieures peuvent être orientées vers l’avant, ou plus rarement vers l’arrière.

– Classe III squelettique : la mandibule est en avant, ou le maxillaire en retrait. Le menton apparait souvent proéminent, et le visage allongé. L’occlusion dentaire peut être inversée (dents inférieures en avant des dents supérieures), en bout à bout (dents en contact), ou compensée (dents inférieures « basculées » en arrière des dents supérieures).

  • Anomalies verticales :

– Excès vertical antérieur ou hyperdivergence faciale : le visage est trop long, les lèvres ont du mal à être en contact au repos, ce qui nécessite une crispation des muscles du menton. L’excès de hauteur peut être liée au maxillaire avec sourire gingival, au menton qui peut être trop haut, à une béance par ouverture de l’angle mandibulaire, parfois à une combinaison de ces différentes causes.

– Insuffisance verticale antérieure ou hypodivergence faciale : le visage est trop court et parait « ramassé ». Le cas le plus fréquent est la visibilité insuffisante des dents supérieures au sourire.

– Béances sectorielles : souvent localisées dans le secteur antérieur, parfois dans les secteurs latéraux, les béances ou infraclusies sont des absences de contact entre les dents du haut et du bas. Elles ne sont généralement visibles qu’à l’examen endobuccal.

  • Anomalies transversales :

– Endognathie : cette anomalie correspond à un maxillaire trop étroit. Elle peut être unilatérale ou bilatérale, asymétrique ou symétrique.

– Exomaxillie ou maxillaire trop large (syndrome de Brodie)

– Exomandibulie ou mandibule trop large (rare)

 

  • Asymétries faciales :

Elles peuvent être « constitutives » c’est à dire sans cause pathologique, ou en rapport avec une anomalie : hypercondylie, hypoplasie (par ex. dans le cadre de syndromes oto-mandibulaires), contexte post traumatique ou post-infectieux.

  • Anomalies du menton :

Le positionnement de la mandibule détermine en partie le positionnement du menton. Néanmoins, ce dernier peut souvent être envisagé comme une sous-unité faciale indépendante, avec ses anomalies « spécifiques » :

– Menton trop haut (hypsogénie ou excès de hauteur symphysaire)

– Menton en retrait (rétrogénie), trop petit (microgénie)

– Menton trop en avant (progénie), ou trop développé (macrogénie)

– Menton asymétrique ou dévié (latérogénie)

Conclusion

Les dysmorphoses maxillo-mandibulaires sont fréquentes et de nature très variée.

Elles résultent de facteurs innés et acquis, et associent des anomalies dentaires et squelettiques, le plus souvent dans les trois plans de l’espace.

Le diagnostic initial doit être minutieusement établi.

Le traitement repose sur la chirurgie correctrice des mâchoires (ou chirurgie orthognathique), en association avec l’orthodontie.

Article rédigé par le Dr Jacques Chardain

Je suis chirurgien maxillo-facial, fort d’une riche expérience de chef de clinique des Hôpitaux de Paris et d’une formation auprès des plus éminents experts. Mon activité exclusivement dédiée à la chirurgie des mâchoires me permet de vous faire bénéficier d’une des expertises les plus pointues dans cette discipline.